L’esprit critique ou renforcer son système immunitaire intellectuel

Une des conséquences de cette crise, est qu’elle me plonge dans une perplexité abyssale. J’avais bien vu depuis l’arrivée des réseaux sociaux et la multiplication des sources d’informations apparaître une certaine cacophonie, au moment où les plate-formistes comme Twitter et Facebook devenaient une caisse de résonance pour la parole populaire, challengeant par la même celle des journalistes. Leurs propos étaient discrédités parce qu’ils représentaient : l’image du pouvoir en place. Il était devenu inaudible, ils leur fallait désormais des intercesseurs plus crédibles, on fit alors appel a des experts.

L’expertise ou l’argument d’autorité, cela devait mettre tout le monde d’accord. Devant un parterre de sachant l’affaire était entendue, mais que peuvent quelques experts devant 65 millions d’experts, une vraie passion pour la polémique et tel les flots démontés, la parole du vulgum pecus renversaient la rhétorique des sachants, là aussi mise en doute puisque faisant partie de la caste supérieur et fidèle suppôt des puissants donc discrédités. Le monde médiatique avait bien compris l’urgence de renforcer une digue bien trop fragile pour l’empêcher d’être renversée, on sortit une nouvelle parade : le fact-checking, un bon rempart contre les fakes news, tel un bureau des vérifications des faits statistiques, scientifiques et donc au dernier degré rationnels, pas d’émotion là dedans que des faits en somme la vérité et rien d’autre.

Mais c’était sans compter l’appétence pour les complots et la méfiance naturelle de l’esprit humain, partant du principe présupposé que l’on nous ment, on peut tout imaginer, on veut savoir, mais pas la version officielle, on veut entendre d’autres canaux, mais on veut être sûr, car l’incertitude est inconfortable pour nos cerveaux. Alors, on rentre dans le royaume des croyances. Le combat est inégal, car les faits ne peuvent rien contre les croyances, on préférera abandonner les faits pour garder ses certitudes. Croire aux contes de fées semble plus rassurant que la rationalité. Si on pousse vers les croyances religieuses et spirituelles dont les ouvrages sont émaillés de fait peut rationnels au demeurant, on constate peu ou prou qu’une grande majorité de la population mondiale est encline à croire et veux croire pour donner un sens à sa vie. Cette propension à vouloir ouvrir son esprit au récit mythologique montre une pente naturelle de l’esprit humain à un désir de certitudes qui semble redouter de rester sans réponse devant des questions essentielles.

Si chacun a le droit de croire à ses propres légendes et d’être suspicieux de l’histoire qu’on veut lui asséner, le droit de douter va de pair avec un devoir de douter avec méthode. Douter de tout par principe en tirant vers un principe d’équivalence produit le nihilisme. Il faut entendre la proposition de Descartes de suspendre son jugement le temps de se forger une opinion argumentée. Il semble plus que jamais urgent, dans un moment où le marché des idées est florissant de pouvoir se faire un chemin dans ce dédale cognitif. La philosophie, les sciences humaines et scientifiques semblent un bon point de départ pour réinvestir sa pensée critique.



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