L’IA ou la mort de la vérité

Depuis l’avènement Internet et ses dérives mutilant le visage de la réalité, nous avions déjà franchi un cap nous transportant vers le monde de la post-vérité

On peut faire le constat que certaines vérités scientifiques ont été mises à mal, par des messages contradictoires ou les connaissances sont devenues des croyances et inversement. Les canaux par lesquels circulent des informations, des commentaires, des opinions et des bobards, ont vu leurs statuts respectifs se contaminer de sorte qu’elles ont engendré le doute. Il est devenu logiquement raisonnable de conjecturer sur certaines réalités établies par la méthode scientifique.

Mais jusqu’à présent il ne tenait qu’à nous de muscler notre système immunitaire intellectuel afin de ne pas tomber dans des abysses de crédulité et rallier ainsi les idées complotistes doutant de tout et sombrant dans le relativisme lorsqu’il s’agit d’établir la vérité.

On nous avait prédit que l’IA allait bouleverser nos vies, certains y travaillait depuis quelques années, là-bas dans les labos de la silicon valley, à construire un nouveau monde. Certains mêmes, avaient quelques doutes que l’humanité ne soit prête à recevoir ce nouveau cadeau prométhéen. Mais la tentation d’ouvrir la boîte de Pandore était trop belle et voilà que l’IA se déversa sur le monde. Personne ne l’avait vu venir à part quelques spécialistes de l’intelligence artificielle ou du moins pas dans un tel jaillissement. Car ce n’est pas rien, ce qui nous tombe dessus, on ne parle pas d’une bricole pour happy few ou pour quelques geeks en recherche de nouveaux gadgets à la mode.

Homo deus en faisant un pas en avant a encore progressé en fabricant une technologie ubiquitaire, pénétrant tous les métiers et toutes les activités humaines. Comme souvent les usages paraissent aller promptement et s’emballent plus vite que les réflexions et prudences qui sont de mises et les questions philosophiques et éthiques apparaissent subsidiaires

Les correctifs des IA déferlent et corrigent les carences des premières versions. Nous sommes déjà a quelques générations des premières moutures lancées sur le marché. Les retardataires challengent les premiers arrivés dans ce domaine devenu concurrentiel et assurera l’omnipotence a celui qui réussira la plus « intelligente » des IA. Tous comme Google le fut jadis avec son modèle algorithmique.

Ces IA et notamment ChatGPT sont des technologies qui semble avoir une courbe d’apprentissage assez restreinte sans doute expliquée par leur simplicité d’utilisation, on voit fleurir dans chaque domaine des expérimentations révélant les potentialités de l’outil et nous démontrant a quel point ces IA vont percoler dans la société et changer durablement les activités humaines.

Même si les cas d’utilisation sont nombreux, les exemples les plus saillants sont ceux procurant l’effet de halo à cette technologie médiatique comme la création d’image ou celle de contenu rédactionnel donnant l’impression que tous est possible à toutes et à tous. L’Input de cette technologie est désormais tombé dans le giron du vulgum pecus et n’est plus réservé à quelques experts.

Les discours laudatifs ne manquent pas pour qualifier cette nouvelle innovation néanmoins leur contempteur dont je suis pour partie ne manquent pas de se poser des questions sur l’éthique des sources alimentant cette IA, mais également sur la production elle-même. Ce qu’il faut comprendre avec ces Intelligences Artificielles, c’est qu’elles n’ont rien d’intelligente, en effet ces dernières traitent uniquement des données sans comprendre le sens ou le contexte de leur point d’entrée ou de sortie restitué.

Dans le cas d’une réponse à une question ou à l’élaboration d’un contenu, nous n’avons pas la trace des sources convoquées et encore moins de données sur leurs fiabilités. Si les questions éthiques commencent à se poser, on peut craindre que leurs résolutions tardent à trouver une concrétisation au travers de ces outils ou risque simplement de passer à côté de la question posée, comme souvent dans ce domaine ou la technologie et les usages vont plus vite que la législation. Je pense notamment à l’instauration des RGPD, ou la Cnil a fait le constat de l’échec.

Avec une pratique explosant dans tous les domaines, on peut déjà craindre que des fausses informations et contrevérité ne circulent encore plus rapidement gangrenant les cerveaux et altérant déjà nos démocraties si malmenées. Le risque est donc grand de voir disparaître toutes traces de vérité. et d’arriver au constat que faisait le poète Stanisław Jerzy Lec : “Le mensonge ne diffère en rien de la vérité, sauf que ce n’est pas la vérité.”



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